Développement durable : l’heure du grand bond en avant ? 4 indicateurs à surveiller de près

06 novembre 2020

Philippe Raffin, vice-président de LinkUp Factory, détaillait en juillet 2020 dans cette tribune exclusive pour LSA les quatre indicateurs-clés de la RSE et les questions qui leur sont associées qu’il va falloir attentivement surveiller à l’avenir.

Rien ne se démode plus vite que l’avenir, écrivait André Comte-Sponville dans un récent éditorial… Certes, il est trop tôt pour pouvoir anticiper les réactions des différents acteurs économiques face à un événement aussi inédit dans l’histoire moderne. Et l’euphorie actuelle autour du « Monde d’Après » incite intuitivement à la prudence. Démondialisation immédiate… Relocalisation généralisée… Basculement dans le tout-électrique automobile… Retour à la souveraineté dans les secteurs stratégiques… La part de ces sujets qui a un lien avec le développement durable est évidemment significative et la dose de naïveté qui accompagne les revendications ou prises de position ne l’est pas moins… Car depuis la suspension des plans de transition énergétique en Europe de l’Est jusqu’à l’urgence pour de nombreuses entreprises de restaurer leurs marges à très court terme, les raisons de tempérer les optimismes ne manquent pas !

Pourtant, difficile de croire à un retour en arrière après un tel choc de nos représentations collectives et une perte de repères d’une telle ampleur et si soudaine.

Aussi, pour essayer de garder la tête sur les épaules mais aussi de discerner la réalité des mutations à l’œuvre, il va falloir attentivement surveiller quatre indicateurs-clés et les questions qui leur sont associées :

  1. Volonté politique. Que ce soit à travers des incitations fiscales, des fléchages d’investissement massifs, des plans économiques qui font leur réapparition ou des réglementations de plus en plus exigeantes, on sait que la volonté politique, à l’échelle nationale ou dans le cadre du Pacte vert européen, est un facteur puissant de transformation. Cette volonté sera-t-elle à la hauteur des premières déclarations ? Le timing de mise en œuvre sera-t-il réaliste tout en garantissant une vraie transformation ? La montée en puissance des verts aux Européennes et surtout aux Municipales va-t-elle se traduire par une accélération, voire un changement d’échelle sur certains de ces sujets ? Lesquelles parmi les recommandations de la Convention Citoyenne pour le Climat deviendront effectivement des textes de loi en France ?
  2. Demande des citoyens/consommateurs/salariés. Chacun d’entre nous a eu l’occasion de prendre un recul d’ordinaire incompatible avec nos rythmes de vie et de se poser des questions fortes touchant aux valeurs, aux aspirations, au sens de nos parcours… Les réponses apportées seront-elles vraiment transformatives, durables ? Comment lutteront-elles avec les réflexes « d’avant » et l’impact sur le pouvoir d’achat à peine entraperçu mais qui s’annonce massif dans les prochains mois – on pense à la taxation du kérosène, l’étincelle qui a déclenché le mouvement des gilets jaunes ? Les salariés vont-ils peser plus qu’avant pour manœuvrer les marques et les entreprises de l’intérieur vers des engagements plus ambitieux ?
  3. Choix des fonds d’investissement. Lorsque Larry Fink confirmait en Janvier dernier que l’investissement durable devenait la norme dans le portefeuille de BlackRock, il a été accueilli avec un grand scepticisme en France. Pourtant, le pouvoir de transformation des fonds à travers leurs choix est tout simplement titanesque ! Au passage, on a pu observer que les fonds ISR résistaient un peu mieux que les autres au cœur de la tempête… A quel rythme et avec quelle ampleur les gérants de fonds vont-ils faire des choix – avec quelles conséquences concrètes pour les entreprises concernées ? On a vu la récente bataille autour de la « résolution climat » lors de l’AG de Total
  4. Engagement personnel de grands dirigeants. Nul n’ignore l’engagement personnel d’Emmanuel Faber, associé à une dynamique qui dépasse largement Danone, voire l’agroalimentaire ! Mais il n’est plus le seul : dans une tribune publiée dans le journal Le Monde, 90 patron(ne)s ont appelé en mai dernier à une mobilisation collective pour faire de la relance économique un accélérateur de la transition écologique. Ces déclarations seront-elles nourries d’engagement plus précis et suivis dans le temps où est-ce une posture opportuniste mais vouée à se noyer dans le détail ? Les dirigeant(e)s de PME ou ETI suivront-ils/elles le mouvement ?

Une chose est certaine : comme avec l’amour, au-delà des engagements, ce sont des preuves de respects d’engagement qui sont désormais attendues par tous. De pied ferme.

La version originale de cet article a été publiée sur LSA.