Égalité femmes-hommes au travail : comment rompre la malédiction du « barreau cassé » ?

08 mars 2022

“Égalité femmes-hommes : les grands groupes français en pointe” titrait les Échos le 3 Mars dernier, citant les résultats du baromètre international d’Equileap. Certes, avec 15 entreprises dans le Top 100 mondial (contre 14 pour les États-Unis…), les résultats sont en effet flatteurs pour les groupes tricolores… si l’on s’en tient au score agrégé. Les choses se gâtent pourtant si l’on examine les autres indicateurs.

Une progression qui reste (encore) trop lente

Malgré l’introduction d’outils réglementaires tels que la loi Copé-Zimmermann ou l’Index égalité professionnelle, on constate par exemple que les femmes ne représentaient en 2020 que 24,7% des comités de directions du SBF 120 – La Française des Jeux, Maison du Monde, Sodexo ou encore Orange faisant donc figure d’exception…

Pas de progression non plus du côté de l’inégalité salariale : avec une différence de 16,5% mesurée par Eurostat en 2021, la situation s’est même dégradée. Le collectif féministe Les Glorieuses a d’ailleurs créé le mot-dièse #3Novembre9h22, signifiant que c’est à cette date et à cette heure précise que les femmes “travailleraient gratuitement” !

Autre observation, moins anecdotique qu’il n’y parait : une étude récente a mesuré que depuis 2008, 85% des startups ont été créés (donc suivis par des fonds) par des équipes exclusivement masculines – les fonds eux-mêmes ne comptant que 14% de femmes associées…

La France présente donc une situation moins progressiste qu’il n’y parait — et que la pandémie n’a fait qu’aggraver.

En cette Journée Internationale des Droits des Femmes, il n’est donc pas inintéressant de s’interroger sur les raisons qui peuvent expliquer la lenteur des progrès accomplis.

Une surperformance du management des femmes objectivée

Car, sur le papier, tout semble favoriser une évolution positive. Et cela dans un sens qui non seulement résonne de façon satisfaisante avec nos valeurs morales, mais répond aux aspirations intrinsèques d’une entreprise à gagner en efficacité et en rentabilité.

De nombreuses études rapportent en effet une meilleure efficacité du management féminin. C’est le cas par exemple sur la rentabilité financière des entreprises qui comptent au moins une femme dans leur conseil d’administration(1). Ça l’est en particulier dans les PME(2), mais ça l’est également, au-delà du monde de l’entreprise, dans un registre qui a marqué les esprits de la planète entière : la gestion de la crise du COVID 19, de nombreux pays dirigés par des femmes (Allemagne, Nouvelle Zélande, Taiwan, Finlande, Norvège…) ayant fait preuve d’une capacité de résilience remarquable… Dans un registre plus qualitatif, les femmes font davantage pour soutenir leurs équipes et faire progresser les efforts en matière de diversité, d’équité et d’inclusion. Elles sont également plus susceptibles que les hommes de pratiquer l’altruisme(3).

Alors pourquoi une telle résistance au changement ?

La place centrale des représentations

Beaucoup de raisons structurelles sont déjà bien identifiées, telles l’étape de la maternité, l’atavisme de management restant fortement masculinisé, le manque de confiance en soi, etc…

Mais deux indices plus fins sont formulés dans la dernière édition de la passionnante enquête annuelle Women in the Workplace que McKinsey mène depuis 2007. Certes l’étude porte sur le marché américain mais il n’est pas interdit de s’en inspirer pour travailler à des solutions plus innovantes en France.

Le premier constitue ce que les auteurs appellent le « Barreau cassé » : un décrochage qui se crée dès la toute première étape de progression au poste de manager, ce qui rend presque impossible ensuite pour les entreprises de poser les bases d’une évolution durable à des niveaux plus élevés ….

Le second porte sur les situations dans lesquelles les femmes sont des profils atypiques dans une équipe – c’est-à-dire qu’elles sont l’une des seules personnes de leur origine ethnique ou de leur sexe – avec des expériences quotidiennes rapportées comme particulièrement difficiles. Leurs succès et leurs échecs sont plus systématiquement passés au crible et plus susceptibles de faire l’objet de commentaires et de comportements qui les réduisent à des stéréotypes négatifs.

L’intérêt des sciences comportementales pour innover plus efficacement

Si la pression réglementaire donne indéniablement des résultats, on voit bien, à travers l’identification de ces deux mécanismes, tout l’intérêt d’introduire les sciences comportementales dans l’innovation sur ce sujet. De même que sur des sujets complexes, tels la « grossophobie » ou le refus vaccinal, sur lesquels les experts de LinkUp Factory travaillent, il s’agit d’agir sur d’abord sur les représentations pour espérer une évolution durable des comportements. Et ne pas hésiter à tester en conditions réelles, évaluer et ajuster les pratiques en fonction des résultats.

Bref, comme dans tous les compartiments de la RSE, avec la volonté d’innover, les solutions pour agir existent !

Sources : 

1 https://www.mckinsey.com/featured-insights/diversity-and-inclusion/women-in-the-workplace#

2 https://news.women-equity.com/we-news-mai-2021/

3 https://www.mckinsey.com/featured-insights/diversity-and-inclusion/women-in-the-workplace#

Philippe Raffin, Vice-président à la LinkUp Factory


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